Le droit à l’erreur

L’erreur est elle synonyme d’échec?

Le droit à l'erreur - coaching personnelL’erreur est considérée comme un échec, non seulement par les autres, mais encore plus par celui qui a commis une erreur.

La phrase de George Bernard Shaw résonne de manière bien étrange dans notre monde soumis au dogme de la perfection.

Pour nous en convaincre, voici quelques exemples que tout un chacun a déjà pu observer.

Au niveau professionnel.

  • Vous avez de nouvelles responsabilités au sein de votre entreprise et au bout de quelque temps, vous ne réussissez pas à atteindre vos objectifs. Vos nouvelles responsabilités vous seront rapidement retirées et il vous sera très difficile de faire oublier ce que votre ligne managériale considérera durant de nombreuses années comme une incapacité à atteindre vos objectifs, ou même comme une incapacité tout court.
  • Vous devez conduire un projet et les résultats ne sont pas tous au rendez-vous. Il se passera exactement la même chose que dans l’exemple précédent.
  • Il en ira de même si vous avez des responsabilités managériales et qu’un problème de personne vienne perturber l’activité de l’entreprise.

Au niveau personnel.

  • Vous avez entrepris une démarche pour vous mettre à votre compte mais le succès n’est pas au rendez-vous. Il faudra peu de temps pour que vos relations se détournent de vous.

Nous ne parlerons pas de la sanction juridique pour le moindre oubli ou pour le moindre désaccord avec un tiers.

Il faut aussi noter une certaine démagogie de la part des entreprises qui mettent en avant le droit à l’erreur, mais où la sanction du résultat est implacable.

Cette sanction de l’erreur par votre entourage personnel ou professionnel n’est rien à côté de l’image que vous pouvez avoir de vous-même après un échec. Cette image négative peut même dégrader très fortement votre estime de vous-même.

Réhabiliter l’erreur.

Les temps ont-ils tellement changé depuis que George Bernard Shaw a écrit cette phrase ?

Peut-être l’évolution sociale a-t-elle tellement pris l’habitude de vouloir le meilleur en tout que ce principe de base en a simplement été oublié.

La sanction de l’erreur est fondamentalement inutile.

Voici un exemple qui fera hurler les ligues pour la sécurité routière (sujet sensible qui déchaîne instantanément toutes les passions). Un conducteur qui a été sanctionné pour excès de vitesse, y compris par une peine de prison, va-t-il pour autant respecter les limitations de vitesse dès qu’il reprendra le volant ? La réponse est malheureusement non dans l’immense majorité des cas, il prendra simplement des dispositions pour ne plus se faire prendre. Cet exemple aborde la capacité à respecter les limitations de vitesse par un être humain. Maintenir la vitesse dans une fourchette de 10% nécessite une vigilance extrême que l’on ne peut assurer que durant quelques minutes, la capacité humaine se situerait plutôt autour de 20%. Il en va de même pour la vigilance pour la signalisation routière. Au final, seule l’utilisation de dispositifs d’aide à la conduite comme le limiteur de vitesse associé à la lecture automatisée de la signalisation routière permettent aujourd’hui de respecter la législation. D’une manière générale, aucune politique de répression n’a jamais abouti à autre chose qu’à l’instauration d’un état totalitaire ou à l’assujettissement de l’être humain à une machine, mais ceci est un autre sujet.

L’erreur trouve généralement son origine dans trois grandes causes :

  • l’ignorance.
  • l’absence de sens.
  • la défaillance du système (social, technique…).

Sanctionner l’erreur revient par conséquent à se priver des trois principaux leviers d’amélioration personnelle et sociale, à savoir :

  • le développement des connaissances et des savoirs.
  • l’amélioration de la cohésion sociale autour de valeurs dont le sens est partagé.
  • la réparation des défauts intrinsèques des systèmes sociaux, organisationnels ou techniques.

L’erreur est vitale.

L’erreur est donc un besoin vital pour les raisons mentionnées au paragraphe précédent. Examinons comment cela fonctionne.

Remédier à l’ignorance.

Il faut bien rappeler cette évidence : l’être humain est programmé pour apprendre par l’erreur. Vouloir ignorer cette évidence est un signe de bêtise infinie.

  • Un enfant ne connaîtra le danger que s’il l’a expérimenté. Les parents pourront lui répéter indéfiniment que la porte du four est chaude, il faudra qu’il en approche la main pour sentir la chaleur ou, dans le pire des cas, sentir la brûlure pour savoir et assimiler la connaissance définitivement.
  • La crise de l’adolescence est un bel exemple du sentiment d’impuissance des parents. Les jeunes veulent faire leur propre expérience contre l’avis des parents qui ont simplement oublié qu’ils ont fait les mêmes erreurs contre l’avis de leurs propres parents… et ainsi de suite.
  • L’apprentissage fondé sur l’expérience tirée des erreurs de chaque élève pourrait peut-être mis à profit. Le système éducatif cherche à inculquer le savoir à des jeunes assis passivement pendant les vingt premières années de leur vie. Le résultat ne s’est pas fait attendre, les jeunes sont réputés être en échec scolaire, mais l’échec est-il du fait des jeunes ? Ne faudrait-il pas chercher du côté du système ? Vous pourrez avantageusement trouver des pistes dans le paragraphe intitulé « corriger les défauts des systèmes ».

Donner du sens.

L’être humain est fondamentalement en quête de sens. Si l’on ne lui donne pas de sens aux actions ou aux situations, il va inventer son propre sens. Son imagination est très fertile, il ne faut pas oublier que les pires criminels ont inventé un sens à leurs agissements.

Il est très facile de voir la dérive que peut engendrer le manque de sens des situations auxquelles on est confronté au travers de quelques exemples.

  • La personne qui répète machinalement le même geste à longueur d’année sur une chaîne de production trouvera très peu de sens à son travail. Non seulement son engagement dans son travail sera très faible, mais de surcroît elle générera des erreurs et des fautes d’inattention. Cette personne va certainement compenser  ce manque de sens au travers d’engagements citoyens mais elle pourra aussi glisser vers des engagements moins civiques.
  • La méthode parfois utilisée par des managers indélicats consiste à confier des missions inutiles aux salariés dont ils souhaitent se séparer : c’est la mise au placard, mais aujourd’hui cela s’appelle du harcèlement. Cette méthode a été utilisée de longue date pour briser les personnalités ou pour anéantir les gens. Cette méthode est choquante. Le livre “Manager son manager” fournit quelques indications pour lutter contre une telle situation.
  • Au niveau de la sécurité routière (tant pis pour les hurlements des ligues pour la sécurité routière), l’abus de restrictions et d’interdictions dites préventives (par exemple positionner le panneau de limitation à 50 km/h à plus de 500 mètres de la première habitation d’une agglomération) fait perdre le sens de la prévention routière.

Corriger les défauts des systèmes sociaux, organisationnels ou techniques.

W.E. Deming écrivait à un PDG :

Les causes communes (…) affectent à égalité tous les opérateurs (…). Elles sont dues au système. Elles subsistent jusqu’à ce qu’elles aient été corrigées par la direction. Au contraire les causes particulières peuvent être corrigées par l’opérateur lui-même (…). La confusion entre les causes communes et les causes particulières est une faute de management.

Cette analyse établit une distinction très nette entre les erreurs individuelles et les erreurs les plus nombreuses imputables aux systèmes et à l’environnement en général.

W.E Deming a développé l’expérience des billes rouges pour en apporter la démonstration dans des séminaires de cadres d’entreprise médusés.

Cette analyse que W.E. Deming appliquait à l’industrie est autant valable pour la société civile que pour les installations techniques parmi lesquelles nous devons mentionner, entre autres, le web.

Ne pas tolérer l’erreur revient à être incapable de corriger des installations, des organisations ou même des gouvernements et des états inadéquats. Qui voudrait vivre dans un monde gouverné par des algorithmes informatiques ou qui voudrait se retrouver sous le joug d’un dictateur ?

Il est inconcevable qu’une démocratie ne favorise pas le droit à l’erreur pour en tirer des enseignements et pour s’améliorer, comme cela a été mentionné plus haut pour le système éducatif.

L’erreur est source de créativité.

A la lecture des paragraphes précédents qui font l’éloge de l’erreur, il ne reste plus qu’à mentionner que les plus grandes inventions sont souvent la conséquence d’un événement fortuit et imprévu.

La logique permet presque toujours d’expliquer, a posteriori, l’événement qui s’est produit, mais il est rare que le raisonnement conduise spontanément à s’éloigner des schémas connus.

Finalement, faire des erreurs c’est bien, mais en tirer les enseignements c’est encore bien mieux. N’est-ce pas exactement ceci qu’écrivait George Bernard Shaw?

La voie du succès est toujours jalonnée de difficultés que l’on n’a pas surmontées du premier coup, il a fallu s’y reprendre, apprendre pour finalement surmonter les obstacles. Ceci est le cas dans les projets qui, par définition, sont exploratoires ou novateurs. On pourrait penser que les processus établis et récurrents par définition y sont moins exposés. Il n’en est rien, c’est la raison pour laquelle tous les référentiels et systèmes de management performants se fondent sur une démarche d’amélioration continue.

Autres considérations sur le droit à l’erreur.

Considérations juridiques.

L’erreur ne constitue pas un droit au sens juridique. La crainte du législateur est que l’on puisse se retrancher derrière une erreur pour se soustraire aux conséquences de ses actes. Il a bien pris en compte le caractère intentionnel ou non intentionnel pour moduler la sanction. Si le législateur a statué depuis longtemps sur ce sujet, la question n’en demeure pas moins pertinente puisque dans un monde dont la complexité croît de manière exponentielle, il devient quasi-impossible de penser à tout et de ne se tromper en rien. Rien d’étonnant donc dans l’alourdissement de la bureaucratie qui émet de nouveaux textes, décrets et procédures pour sanctionner l’erreur au lieu d’en tirer des enseignements en vue de remédier à ses dysfonctionnements intrinsèques.

Considérations affectives.

La chanteuse Amel Bent a exprimé sa conception du droit à l’erreur en amour. Sa chanson exprime des regrets amers tout en demandant à son compagnon de lui accorder le droit à l’erreur. Si d’un point de vue poétique l’erreur peut être invoquée dans les relations sentimentales, il semble de loin préférable, pour préserver l’harmonie d’un couple, de travailler sur le registre des relations entre personnes. Une relation sentimentale est certainement plus basée sur un accord que sur une suite d’erreurs plus ou moins acceptées et pardonnées.

Erreur et négligence, ce n’est pas pareil.

Si l’erreur a des vertus,comme nous l’avons vu plus haut, il n’en va pas de même pour la négligence ou pire, pour la malveillance.

Toute la difficulté de l’exercice consiste à détecter ce qui relève de la simple erreur et ce qui n’en relève pas.

Ceci est développé par ailleurs dans ce qu’il convient d’appeler le facteur humain. (à venir).

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